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Copie du texte diffusé sur le serveur de l'assemblée nationale les jours suivant le débat.

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Session ordinaire de 1999-2000 - 35ème jour de séance, 83ème séance

1ÈRE SÉANCE DU JEUDI 2 DÉCEMBRE 1999

PRÉSIDENCE DE M. Pierre-André WILTZER

 

vice-président

Sommaire

RÉDUCTION NÉGOCIÉE DU TEMPS DE TRAVAIL

 

ART. 5

M. François Goulard - Cet article concerne l’application de la réduction du temps de travail aux cadres. Avant ce texte, les cadres –à l’exception des cadres dirigeants– relevaient du droit commun, c’est-à-dire des 39 heures. Nous savons que beaucoup d’entre eux dépassaient largement ce seuil : leur durée moyenne de travail, d’après certaines études, est d’environ 45 heures. Ce que voyant, et dans une intention louable, le Gouvernement a voulu prendre des dispositions particulières pour les cadres, afin que la réduction du temps de travail leur soit appliquée, mais selon des modalités spécifiques. Malheureusement, en méconnaissant une fois de plus la diversité des situations, il a posé des règles dont il est à peu près certain qu’elles ne seront pas suivies. En outre il a compliqué la situation des cadres, puisque chacun devra déterminer à laquelle des trois catégories créées par la loi il appartient.

Résultat : le projet, et les débats à son sujet, ont créé l’inquiétude chez les cadres, et la crainte de voir leur temps de travail quotidien augmenter de façon importante. J’en conclus qu’en cette matière il est impossible de réglementer, et j’en veux pour preuve le fait que la réglementation actuelle n’est pas respectée. La sagesse est donc de renvoyer ce type de questions à la convention collective et à l’usage des entreprises. C’est d’ailleurs largement ce qui se passe aujourd’hui : les catégories concernées ne revendiquent pas un traitement différent de celui qui leur est réservé.

Le Sénat a adopté une disposition simple, renvoyant à la convention collective. Il a fait preuve ainsi de plus de sagesse que l’Assemblée. Il est vain de réglementer quand on sait d’avance que la loi ne sera pas respectée.

M. Daniel Paul - Tout d’abord, quelques rappels. En avril 1999, une déclaration unitaire des organisations de cadres de la CFDT, la CGT, la CFTC et FO appelait à «une réduction du temps de travail pour les cadres avec des références horaires précises». En octobre, un millier de cadres manifestaient à Saint-Lazare, à l’appel de la CGT, de la CGC et de la CFTC, pour réclamer «une véritable réduction du temps de travail des cadres avec décompte horaire.

Le même mois une déclaration commune des confédérations CGT, FO, CGC et CFTC demandait des références et limitations horaires dans les forfaits, et la suppression des notions d’horaires non prédéterminés et de salariés itinérants.

En novembre, grève de nombreuses catégories de cadres : informaticiens, sociétés de services, de la radio-télévision, des grands magasins se sont mises en grève. Le 24, à l’appel de la CGC, de la CGT et de la CFTC, dix mille cadres manifestaient à Paris, Marseille, Toulouse et Nantes, «pour une véritable réduction du temps de travail des cadres et des salariés itinérants avec décompte et limitations horaires». Sur ce point la volonté des cadres ne fait donc aucun doute.

Qui d’ailleurs tirerait bénéfice du forfait sans référence horaire ? Pas les chômeurs, puisque des milliers d’emplois sont gelés par le travail gratuit qu’effectuent les cadres. Pas davantage les autres salariés : ils ont tout à gagner à plus de solidarité et de sérénité dans les entreprises. Le MEDEF en revanche était soulagé : les situations de travail dissimulé qu’on dénonce aujourd’hui, y compris devant la justice, allaient être légalisées au-delà de ses espérances… Car les cadres travaillent déjà en moyenne 2 070 heures par an, mais, avec le forfait prévu par la loi, ils auraient pu être contraints de travailler 2 200, 2 400, voire 2 821 heures ! Nous étions bien loin des 1 600 heures.

De plus, la définition, trop floue, du cadre dirigeant et l’intégration dans le forfait des salariés itinérants permettaient déjà des interprétations abusives dans plusieurs accords. Ceux conclus chez Carrefour, Syntec, Aérospatiale-Toulouse, Sanofi, ont montré que les forfaits-jours allaient être utilisés pour la plupart des cadres et largement étendus à d’autres salariés.

Depuis la première lecture, le groupe communiste est convaincu que, pour réussir, la réduction du temps de travail devait s’appliquer à toutes les catégories de salariés. C’est une question de justice mais aussi d’efficacité économique. Nous avons donc déposé des amendements en vue de rétablir les références et limitations horaires et de limiter le forfait jour, sans référence horaire, aux seuls cadres réellement assimilables à des dirigeants. Nous sommes heureux qu’une évolution ait pu avoir lieu, et nous avons volontiers cosigné les amendements qui viennent d’être déposés. Ils tiennent compte des mouvements sociaux de ces derniers jours, et c’est tant mieux. C’est aussi ce qu’attendent de la gauche les acteurs du mouvement social et tous les salariés.

M. Hervé Morin - Le débat actuel sur la réduction du temps de travail des cadres est une vraie révolution culturelle. D’un seul coup une catégorie qui travaillait bien plus de 39 heures réclame, au moins en partie, le passage aux 35 heures. On perçoit une césure entre les jeunes cadres et leurs aînés, plus enclins à se considérer comme une catégorie à part à laquelle on ne peut appliquer de limites horaires. Mais regardons vers l’étranger. Dans la métallurgie allemande, par exemple, les cadres se sont eux-mêmes exclus du passage aux 35 heures, jugeant absurde de les leur appliquer. Il est vrai qu’en France la catégorie des cadres est beaucoup plus nombreuse qu’ailleurs. Mais la disposition que nous allons adopter sera une première, et une fois de plus notre pays sera le seul à en adopter une semblable.

Si, d’autre part, une partie des cadres revendiquent les 35 heures, c’est aussi en raison du niveau élevé des prélèvements obligatoires. S’ils pouvaient tirer un meilleur parti du fruit de leur travail, leur revendication de congés serait moins forte.

Enfin, je voudrais souligner que nous allons avoir un véritable «bogue» au 1er janvier 2000 : l’article 5 subordonne l’application aux cadres du forfait horaire à une clause de la convention collective. On imagine la situation dans laquelle vont se retrouver les entreprises où il n’y a pas de convention collective : elles seront obligées d’appliquer à leurs cadres le régime des 35 heures tant qu’une convention n’aura pas été négociée !

Cette question aurait dû être traitée par des accords de branche, non par la loi.

M. Maxime Gremetz - Cet amendement montre que quand il y a volonté partagée de trouver une solution constructive, en tenant compte des aspirations exprimées, on parvient à un très bon résultat. Je m’associe à l’amendement de la commission.

M. Yves Cochet - Je voudrais tout de même indiquer que la rédaction proposée comporte trois risques pour les cadres supérieurs soumis au régime du forfait.

Contrairement aux salariés, ils risquent de voir leur durée du travail augmenter dans les faits alors que les enquêtes montrent qu’ils en souhaitent la diminution. Depuis 1982, la durée hebdomadaire moyenne du travail a ainsi augmenté de deux heures pour les cadres, alors que la durée légale est passée de 40 à 39 heures.

Deuxième risque, ce serait donner un mauvais exemple aux autres pays européens. Aucune législation, que je sache, ne supprime toute référence horaire pour une catégorie de salariés.

Enfin, troisième risque, cela va aggraver la discrimination aux dépens des femmes. Toutes les statistiques montrent qu’en dépit d’une certaine avancée dans les mentalités, les femmes supportent beaucoup plus que les hommes la charge des enfants et des tâches domestiques.

S’il n’y a plus aucune référence horaire pour les postes de cadres supérieurs, cela fera obstacle à leur accès à ces postes.

J’espère que la discussion, en particulier celle de l’amendement fixant la durée hebdomadaire maximale à 48 heures, fera encore évoluer ce texte et je me déterminerai sur cet article à ce moment.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

 

 

2ÈME SÉANCE DU JEUDI 2 DÉCEMBRE 1999

PRÉSIDENCE de Mme Nicole CATALA

vice-présidente

 

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RÉDUCTION NÉGOCIÉE DU TEMPS DE TRAVAIL - nouvelle lecture- (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion en nouvelle lecture du projet de loi relatif à la réduction négociée du temps de travail.

ART. 5 (suite)

 

M. Gaëtan Gorce, rapporteur de la commission des affaires sociales - L’amendement 17 rectifié de la commission vise à rétablir l’article 5 tel qu’il a été voté en première lecture en apportant quelques précisions sur la novation que constitue le forfait jour. Issu de la négociation collective, le forfait jour apparaît comme la meilleure manière de faire bénéficier les cadres de la réduction du temps de travail, en introduisant un plafond annuel de 217 jours de travail.

L’amendement tend à encadrer le forfait jour en précisant les catégories de cadres concernées, les voies de recours en cas d’application abusive et les modalités d’exercice du droit d’opposition sur les accords le mettant en place. Il a, enfin, paru opportun de dissocier la situation des cadres et des salariés itinérants, ces derniers ne pouvant en principe bénéficier du forfait jour.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité - Favorable.

M. François Goulard - Ayant mesuré les inconvénients éventuels du forfait jour, le rapporteur propose d’ouvrir aux cadres la possibilité d’exercer un recours devant la juridiction prud’homale pour faire constater d’éventuels excès. Mais sachant qu’aujourd’hui la majorité des cadres travaillent en moyenne 45 heures par semaine et que pratiquement aucun ne fait constater ce dépassement pour obtenir d’éventuelles réparations, il est patent que les dispositions proposées par le rapporteur ne constituent en fait qu’un habillage pour répondre aux revendications que la loi elle-même a engendrées. C’est une illusion totale de croire que des cadres iront contester devant le juge la pratique de leur entreprise ! En pratique, le problème n’est donc pas réglé.

M. Hervé Morin - A compter de la promulgation de la loi, il y aura donc trois catégories de cadres : les cadres dirigeants, les cadres soumis à un horaire collectif et les cadres «forfaitisés». Ces derniers ne peuvent bénéficier de ce régime que s’il a été prévu par une convention, un accord de branche ou une convention collective.

Or quelle situation va-t-elle leur être appliquée à compter du 1er janvier 2000 ? Les cadres -hors cadres dirigeants et hors ceux qui sont soumis à un horaire collectif– qui travaillent 45 heures par semaine entreront dans le droit commun et devront donc travailler dix heures de moins. N’aurait-il pas fallu prévoir un régime transitoire pour combler le vide juridique dans lequel ils vont se trouver, afin que les partenaires sociaux aient le temps de négocier des accords tendant à mettre en place un dispositif pérenne ?

Mme la Ministre - Il y a effectivement trois catégories de cadres et nous ne les avons pas sorties d’un chapeau puisque 80 % des accords les ont reprises. Les cadres dirigeants, qui ont été bien définis en première lecture, ne peuvent bénéficier de la réduction du temps de travail et ceux qui appartiennent à une équipe collective sont soumis à l’horaire collectif. Quant à la catégorie qui posait problème, qui représente environ 40 % des cadres, nous avons considéré qu’elle ne devait pas rester à l’écart de la réduction du temps de travail et qu’un accord collectif de travail devait en prévoir les modalités.

Soit ces cadres exercent leur activité dans des conditions telles que l’on peut décompter leur horaire de travail et ils bénéficieront alors de forfaits hebdomadaires ou mensuels, soit, en raison du niveau de responsabilité de ces cadres ou de leur autonomie dans le travail, on ne peut pas l’opérer. Dans ce cas seulement, la loi fixe une durée de travail maximale en jours, avec des sanctions pénales comme pour la durée journalière maximum.

Que se passera-t-il au 1er janvier ? Soit des accords existent déjà, et 80 % traitent de ce problème. Soit les entreprises auront un an pour négocier. En outre nous inscrivons dans la loi ce principe de la jurisprudence qu’un cadre peut contester en justice la rémunération afférente au forfait s’il estime qu’elle ne correspond pas à son travail.

M. Hervé Morin - Ce que je demande, c’est quel sera le mode de rémunération de cette catégorie de cadres pendant l’année de transition. A partir du 1er janvier, alors qu’ils ne sont pas déjà couverts par une convention, ils seront dans un vide juridique. J’imagine qu’il faudra en effet les traiter comme les autres salariés, c’est-à-dire les faire passer aux 35 heures.

Quant au sous-amendement 209, il substitue à la catégorie de «cadres dirigeants» qui est floue -c’est du David Hamilton, a dit un juriste- celle de cadre supérieur, qui correspond à la jurisprudence.

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - Ce sont des notions différentes.

Mme la Ministre - Je comprend mieux votre question. Dans la mesure où pendant cette année transitoire ils ne seront pas couverts par un forfait journalier, ils feront l’objet d’un forfait hebdomadaire ou mensuel comme c’est le cas dans leur contrat de travail actuel. Le texte prévoit bien que la convention collective pourra le préciser.

M. le Rapporteur - Défavorable sur le sous-amendement.

Mme la Ministre - Même avis.

Le sous-amendement 209, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Maxime Gremetz - Je retire le sous-amendement 85. Il est satisfait par l’amendement 17 rectifié que nous avons adopté collectivement.

M. François Goulard - Notre sous-amendement 206 est technique. Il propose que l’article 5 se réfère non aux conventions collectives de branche mais à l’article 4 de la convention collective nationale de retraite et de prévoyance des cadres du 14 mars 1947.

En première lecture, Mme la ministre nous a répondu que cette dernière se réfère elle-même aux conventions collectives de branche.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin - Le sous-amendement 132 est identique.

M. le Rapporteur - Ils sont satisfaits par l’amendement 17 rectifié. J’en suggère le retrait.

M. François Goulard - Effectivement, ce souci est pris en compte dans la dernière version. Les deux sous-amendements 206 et 132 sont donc retirés, de même que les sous-amendements 205 et 133.

M. Alain Vidalies - Je ne sais si mon sous-amendement 243 concerne la forme ou le fond. Il insère dans la dernière phrase du I de cet article, après les mots : «des conventions de forfait», les mots : «en heures».

Les rédacteurs du projet ont tenu compte de la question que se pose M. Morin : quelle sera la situation des cadres lorsqu’il n’y a pas d’accord collectif ou de convention d’entreprise ? Dans ce cas, il est prévu que les conventions de forfait individuel peuvent être signées sur une base hebdomadaire ou mensuelle. Si cette rédaction signifie bien qu’il s’agit d’un forfait horaire, mon sous-amendement est de précision. Mais si elle ouvre la possibilité de signer des contrats de travail individuels sur la base de 6 jours par semaine ou de 20 jours par mois, sans les contreparties qui sont prévues pour le forfait journalier par an, il est important d’ajouter que ces conventions sont en heures.

En commission, on m’a dit que c’était évident mais il me paraît tout de même préférable de le préciser.

M. Maxime Gremetz - Je veux tout d’abord dire mon indignation : alors que tout était parfaitement réglé pour que les salariés de Wolber puissent suivre le débat dans les tribunes, seulement neuf d'entre eux ont pu entrer ! Les autres en ont été empêchés par un agent –que l’on connaît d’ailleurs bien. Tous les fonctionnaires de cette maison ne sont pas, semble-t-il, animés du même souci de servir (Murmures sur divers bancs). Mais que les salariés de Wolber se rassurent, je vais leur donner des billets de séance afin qu’ils puissent tout de même entrer. Sinon, je ne me porte plus garant de ce qui peut se passer dans l’hémicycle (Protestations sur les bancs du groupe DL et du groupe UDF).

Mme la Présidente - Monsieur Gremetz, vous n’avez pas la parole pour un rappel au Règlement, mais pour présenter votre sous-amendement 245.

M. Maxime Gremetz - Mon sous-amendement 245 précise lui aussi que la convention de forfait doit être calculée en heures. Cela va mieux en le disant et, ainsi, l’amendement sera apprécié à sa juste valeur.

M. le Rapporteur - M. Vidalies a bien situé le débat, mais il est évident que seuls des forfaits horaires peuvent être mis en place sans qu’un accord soit nécessaire. La commission a donc repoussé l’amendement.

Mme la Ministre - Je confirme à M.Vidalies que le I ne vise que les forfaits en heures. Les forfaits annuels ou en jours, respectivement traités aux paragraphes II et III, nécessitent, eux, une convention ou un accord. La précision souhaitée par M. Vidalies ne me paraît pas indispensable, mais je n’y suis pas défavorable.

Le sous-amendement 243, mis aux voix, est adopté.

Mme la Présidente - Le sous-amendement 245 est donc satisfait.

M. Yves Cochet - Mon sous-amendement 71 a pour objet de fixer tout de même une limite horaire quotidienne au travail des cadres forfaitisés en heures sur l’année. Je suis prêt à un compromis sur cette limite mais il en faut une.

M. le Rapporteur - L’exercice consistant à vouloir marier la carpe et le lapin a ses limites. Il est difficile d’appliquer un maximum horaire quotidien à des cadres dont on ne peut pas décompter le temps de travail. Pour les forfaits en heures, les maxima s’appliquent, sous réserve d’accords qui pourront y déroger –et dans cette hypothèse, le droit d’opposition pourra jouer.

Mme la Ministre - Le texte a maintenant une cohérence qu’il faut préserver. Avis défavorable.

Le sous-amendement 71, mis aux voix, n’est pas adopté.

M. Yves Cochet - Je ne veux pas rouvrir le débat sur le nombre de jours travaillés. Admettons qu’il soit pour les cadres de 233. Si l’on part du principe qu’ils ont droit comme les autres à une réduction de 10 % du temps de travail, on arrive à un plafond annuel de 210 jours. J’avais proposé 217 dans mon sous-amendement 72, je veux bien le rectifier.

M. Maxime Gremetz - Je salue les neuf représentants de la société Wolber qui se trouvent dans les tribunes et je les rassure : les quarante-six autres rentreront aussi.

Mme la Présidente - Monsieur Gremetz, veuillez vous conformer aux usages de cette maison !

M. Maxime Gremetz - Cette maison est avant tout celle du peuple : il est normal que des salariés puissent entendre débattre de leur sort.

Mme la Présidente - Nous saluons les personnes à qui vous avez attribué les neuf places dont vous disposiez. Veuillez maintenant présenter le sous-amendement 88.

M. Maxime Gremetz - Notre sous-amendement 88 vise à fixer une limite annuelle de 1 730 heures pour les cadres, soit les 1 600 correspondant aux 35 heures et le contingent de 130 heures supplémentaires.

M. le Rapporteur - Avis personnel défavorable. Un plafond de 217 jours a été fixé. La négociation pourra dégager, le cas échéant, des solutions plus adaptées aux différents cas mais le forfait en jours constitue déjà un progrès important. Restons-en là.

Mme la Ministre - Avis défavorable.

Le sous-amendement 72, mis aux voix, n’est pas adopté, non plus que le sous-amendement 88.

M. Maxime Gremetz - Le sous-amendement 86 est retiré.

M. Yves Cochet - Mon sous-amendement 73 a pour objet de fixer une limite horaire pour les cadres au forfait annuel en jours. Je rappelle en effet qu’une directive européenne du 13 décembre 1993 pose que la limite de 48 heures par semaine doit s’appliquer à tout le monde. Il peut y avoir des dérogations, je l’admets, mais le principe est bien celui-là. La France a ratifié la convention européenne des droits de l’homme, dont l’article 8 pose le droit de mener une vie familiale normale. La chambre sociale de la Cour de cassation a confirmé ce principe dans sa jurisprudence. Le cadre forfaitisé en jours aura du mal à mener cette vie familiale normale et les femmes risquent dans ce cas de subir une discrimination particulière.

M. Daniel Paul - Pour bien me faire comprendre, je prends l’exemple de Framatome à Courbevoie, qui compte 1 100 ingénieurs et cadres. La direction vient de faire passer un accord sur les 35 heures pour les cadres, avec un forfait de 211 jours et un passage à la mission. Voici l’avenant nominatif au contrat de travail adressé à une de ces cadres : «Le temps de travail de l’intéressée est déterminé par un nombre forfaitaire de jours travaillés, 211 par années complètes. L’intéressée, dans le cadre de la charge de travail définie avec sa hiérarchie devra s’organiser pour remplir pleinement sa mission… En cas de refus, l’intéressée suivra les modalités d’aménagement et de réduction du temps de travail du personnel collaborateur».

Si nous ne posons pas de limites horaires très strictes au forfait, nous allons vers des situations de ce type.

Nous retirons les sous-amendements 87 et 89.

M. le Rapporteur - Rejet du sous-amendement 73 de M. Cochet.

Mme la Ministre - Même avis que la commission. Monsieur Paul, si les cadres dont vous parlez ont le choix entre le passage aux 35 heures et un forfait maximum de 211 jours, où est la difficulté ? Si tous les accords passés en France doivent être comme celui-là, tout ira bien !

M. François Goulard - Contre le sous-amendement 73.

Je compatis avec la ministre et avec le rapporteur, qui ont un peu de mal à lutter contre la surenchère exercée par deux groupes de la majorité plurielle.

Ceux qui connaissent les entreprises savent que les cadres supérieurs, qui bénéficient d’avantages importants, sont parfois tenus de travailler au-delà des limites proposées par M. Cochet. Aucun autre pays européen ne fait comme nous. La Grande-Bretagne, l’Allemagne, la Belgique n’imposent aucune limite horaire de travail aux cadres supérieurs, auxquels ils font un sort particulier.

J’apprécie que le Gouvernement essaie d’obtenir que le droit reste à peu près compatible avec la réalité. Il n’y parviendra pas, et le forfait en jours ne sera pas respecté.

M. Daniel Paul - Je réponds au Gouvernement, en rappelant que le cadre travaillera 211 jours en devant s’organiser pour remplir sa mission.

Mme la Ministre - Oui, mais l’avenant dispose que s’il refuse, il passera aux 35 heures.

M. Daniel Paul - Il s’agit donc pour vous d’un exemple ?

Mme la Ministre - Oui, et d’un exemple très positif !

Le sous-amendement 73, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Yves Cochet - Sur l’amendement de la commission, je m’abstiendrai.

L'amendement 17 rectifié, modifié, mis aux voix, est adopté.

L'article 5 est ainsi rédigé.

(...)

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